Au hameau du marais

Le Pilon, 44640 cheix en retz

2786

Programme

Création d’un jardin de particulier :

– Faire de l’eau un principe actif du jardin
– Désimperméabiliser le sol pour générer de nouveaux écosystèmes
– Imaginer des compositions végétales variées, adaptées aux conditions de sol et de climat

Concepteurs

  • Benjamin Péneau
  • Paysagiste concepteur

Commune

  • cheix en retz

Maître(s) d'ouvrage(s)

  • Graveleau

Thèmes

  • Aménagement

Année de réalisation

2021

Surface(s)

1200 m2

Coûts

Prix TTC du projet : 96 k€

Documents

Le projet s’inscrit sur une propriété privée aux portes du lieu-dit “le Pilon” dans le 44. Le village se situe sur un sillon rocheux qui s’incline doucement vers une vallée inondable. De la maison, on aperçoit la rivière de l’Acheneau qui sinue au milieu de prairies humides.

C’est en 2010 que le corps de ferme est réhabilité en maison d’habitation. En 2021, les propriétaires entament la rénovation d’un bâtiment appelé ”la bibliothèque”. L’organisation du bâti sur la parcelle génère trois espaces qui fonctionnent de manière distincte : l’îlot central investi par un ensemble de terrasses suspendues, ainsi que deux espaces périphériques “La fontaine au lotus” qui sera le jardin au Sud et “Les respiration du béton” le jardin au Nord.

LES RESPIRATIONS DU BÉTON
Au départ, faire émerger un jardin à cet endroit n’a rien d’une évidence: la cour est une dalle inerte et craquelée, du béton, vestige d’un temps où les vaches déambulaient avant d’entrer en salle de traite.

L’originalité du projet naît d’une belle complicité avec nos clients, d’échanges confiants et sensibles. Notre idée est de réemployer le sol existant pour créer une dentelle en béton : nous conservons la trace du passé agricole tout en offrant un retour aux sources dans les plaisirs du végétal.

Nous avons suivi les fissures existantes, ausculté les parties saines et écarté les morceaux de béton dégradés. Patiemment, il a fallu évider la matière pour faire émerger des terrasses ici, du stationnement là, et de grands pas japonais pour circuler entre. Un travail délicat réalisé à la tronçonneuse thermique, au marteau piqueur et à la barre à mine.

Dans les stigmates de ce terrain anthropisé, le sol se soulève grâce aux jardinières en corten, se galbe pour offrir les profondeurs nécessaires à l’enracinement. Nombre d’astuces et subtilités ont permis de créer les conditions de la fertilité. Le sol enfin libéré a été couvert d’un paillage bois et laissé au repos pendant quatre mois avant d’accueillir les plantes.

La densité des plantations équilibre l’inclinaison minérale des lieux. Les floraisons sont simples et des feuillages apparaissent cuirassés, poilus, lustrés ou gaufrés. Ils enveloppent la terrasse d’une fraîcheur bienvenue en saison estivale. L’écrin est massif et ne s’interdit pas quelques coquetteries : un Sophora « Sun king » se fait remarquer près de la porte d’entrée à deux pas d’un beau pistachier. Une cépée de Catalpa à feuilles dorées arque ses branches au-dessus de la terrasse, face à la cuisine. Arbousiers, Olearias, Saules coyote, Sorbarias, Filaires et Troënes renforcent l’intimité au profit des déjeuners en famille. L’ensemble est couvert de plantations basses couvre sol. Au total, c’est plus de 70 espèces et variétés qui façonnent ce joyau brut.

LA FONTAINE AUX LOTUS
Dans le hameau, on vit sur un rocher au-dessus de l’eau. L’hiver, le paysage des alentours se couvre d’eau et nos clients partent en kayak naviguer sur les prairies inondées. Le jardin de la fontaine aux lotus est une référence aux qualités aquatiques de cet environnement exceptionnel.

Au cœur de l’ancien corps de ferme, le soleil se pose sur l’îlot central : les terrasses sont surélevées en référence aux pontons de bois. Elles s’amarrent aux différents niveaux de la maison. Par l’extérieur, on passe d’une pièce à l’autre, des berges du salon aux rives du jardin. On découvre un marais idéalisé mettant en scène un cortège de fleurs au milieu des roseaux et des graminées. Les crocosmias, hémérocalles, iris, persicaires, angéliques, agastaches, dahlias se relaient dans les floraisons. Les miscanthus sacchariflorus ornent de leurs blancs plumeaux les heures fraîches. Les saules existants ont été taillés pour filtrer la lumière à travers la baie de la bibliothèque.

Ici et là, des graines de plantes annuelles ont été semées dans les interstices : les joints creux, les pieds de mur et même dans la pelouse. Leurs apparitions spontanées tempèrent les effets de style pour parfaire l’esthétique naturaliste

Le modelé du terrain a été étudié de façon à maximiser la rétention d’eau dans le jardin. Son parcours est ralenti pour infuser dans le sol et activer la vie. Ainsi des noues plantées gardent la fraîcheur quand la ressource en eau se fait rare puis l’évacuent lentement vers un exutoire lorsque les sols sont saturés en eau. Les eaux pluviales récoltées sur le toit de la bibliothèque sont conduites vers une dépression qui permet l’infiltration tout en bénéficiant à une flore de zone humide.

Dans ce jardin, le silence se rompt parfois lorsque la fontaine s’active. L’eau jaillit du cuivre scellé dans le mur de pierre (restauré à l’occasion du projet). Le parfait reflet du cerisier s’évanouit dans les remous de surface.
En été, les lotus se dressent hors de l’eau pour exposer avec panache leurs fleurs en corymbes. Une filtration basse consommation permet de profiter d’une eau limpide.

La présence de l’eau sous de multiples formes accroît la richesse du biotope. Les oiseaux et les insectes y posent volontiers leurs ailes. Loin d’être une contrainte l’eau se révèle matière propice à construire un récit sur le vivant. Elle offre une voie de passage précieuse pour inventer de nouveaux équilibres entre nature et culture.

LE JARDINAGE
Après les travaux nous obtenons la gestion du lieu pour 3 ans. Comment le jardin va-t-il évoluer? De quelle façon réagir face au changement, à l’imprévu? Que faire face à la sécheresse? Autant de questions auxquelles il nous a été possible de répondre après la livraison du chantier grâce au contrat de jardinage.

Des transplantations ont permis d’ajuster encore plus finement les associations de végétaux. Les plantes spontanées qui se sont immiscées ont parfois été préservées. Les fleurs séchées ont été laissées en place. La pelouse fut tondue de façon différenciée. La compétition entre les plantes gérées avec un œil averti. Le paillage a été ajouté par petites couches pour améliorer son assimilation par le sol. Les cépées taillées pour stimuler leur aspect pittoresque. Des bulbes sont ajoutés au printemps pour intensifier les floraisons.

A travers les 1001 gestes du jardinier, le temps du projet s’étoffe et gagne en maturité : le jardin est un objet dynamique qui nécessite d’être en permanence réinventé.


Approche environnementale : Une Conception ”In Situ” :
une partie importante de la conception a eu lieu sur place afin de tirer le meilleur parti des singularités du site. Ces détails sont modestes mais précieux: pensons aux économies réalisées grâce au repérage des fissures sur le béton par exemple. Riches de ces informations de terrain, nous retournons en atelier pour modéliser le projet. Nous vérifions le bon fonctionnement du projet, l’adéquation économie de chantier / budget, réalisons les plans de plantation et les détails d’exécution.

Sobriété de matériaux:
le réemploi de la dalle béton a permis d’éviter l’usage de nouveaux matériaux pour les cheminements, la terrasse et la zone de stationnement. Les murets ont été remontés à partir des pierres issues de la démolition de la soue à cochon. Excepté l’acier corten du bassin et des bacs de plantation, la matière première du projet est vivante. Ainsi les plantes, le bois et le sol constituent le lexique pour transformer les lieux de façon durable.

Préparation du sol :
une véritable attention a été allouée à la préparation des sols. Après les terrassements, la désimperméabilisation et les bouleversements engendrés, le sol recréé a été laissé au repos l’été et l’automne sous une épaisse couche de broyat de bois (mulch). Après quatre mois, nous avons planté dans un sol vivant, enrichi et protégé par les interactions avec le paillage. Aucune maladie ne s’est manifestée. 98% des plantes ont repris.

Pelouse fleurie, une alternative au gazon :
pour le semi, des graines de ray grass et de fétuque rouge ont été mélangées avec du trèfle blanc et des soucis pour former un tapis herbacé coloré. Une tonte haute est réalisée une fois par mois. Elle se fait de manière différenciée selon le stade d’avancement des plantes qui s’y trouvent. Les cheminements du jardin Sud répondent à la même logique de pelouse fleurie. Certaines bordures sont encouragées à monter en graines pour renouveler la population des annuelles à fleur qui se baladent d’une année sur l’autre dans le jardin. On compte parmi celles-ci l’escholtzia, le cosmos, la marguerite africaine ou encore la roquette sauvage.

Financement :
Privé

Bureau(x) d’études : La Plume et le Sécateur
Photographe : Benjamin Péneau